Née en 1981 à Moscou, Elena Chernyshova est une photographe russe. Dans la série « Days of Night – Nights of Day », elle explore la vie des habitants de Norilsk, une ville minière et industrielle située la plus au nord du cercle arctique. Plongée 2 mois par an dans la nuit polaire, elle a été construite par les anciens prisonniers du Goulag sous l’ère stalinienne. Isolée, sa population de plus de 170 000 habitants doit s’adapter à des conditions de vie extrême, aussi bien économique, qu’écologique et climatique. Chaque année, la ville et son complexe industriel rejettent plus de 2 millions de tonnes de gaz dans l’atmosphère, soit autant que la France entière. Considérée comme la ville la plus froide du monde, les températures moyenne peuvent dégringoler jusqu’à -55° C en hiver.
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Le plan de construction de Norilsk a été établi dans les années 1940 par les architectes purgeant une peine (exil ou emprisonnement) dans le « Norillag ». L’idée principale était de faire une ville idéale avec un plan simple et logique. Les bâtiments les plus anciens sont construits dans le style Empire de l’architecture stalinienne.
La seconde étape de construction, dans les années 1960, suivit le système de construction à partir des panels préconstruits qui a été introduit à cette époque et a été largement utilisé.
Après 9 mois passés en espaces clos, la population de Norilsk s’évade dans la toundra lors de longues excursion pendant l’été. Les habitants de Norilsk ont un contact privilégié avec la nature, apprivoisant la neige l’hiver, et parcourant les espaces vierge du nord l’été.
La température en été peut monter jusqu’à 25°, même 30° pendant les années très chaudes.
Une de particularités de Norilsk est l’absence d’espaces verts dans la ville pour l’évasion. Il faut faire 30 km en bus et marcher à pied pour approcher la vraie nature. Le manque de temps pousse les gens à profiter du soleil et de la chaleur dans la zone urbaine.
Le lac Dolgoe est situé aux pieds de Norilsk et sépare la zone industrielle de la ville. Les architectes ont imaginé l’aménagement d’un grand parc et une zone de loisirs au bord de lac. L’aménagement n’a jamais était fait, par contre la population utilise ces espaces industriels pour leurs loisirs. Les pique-niques, les barbecues, le bronzage…
Une fois par mois, « une vraie disco », la « Mechanika », est organisé dans la ville par un groupe de volontaires. C’est la seule opportunité d’écouter de la musique tendance et les nouveautés musicales.
Aktirovka est un mot magique pour la plupart des écoliers de Norilsk. C’est aussi un mot nostalgique pour ceux qui ont passé leur enfance ici. Cela veut dire que suivant les conditions météos il est recommandé pour les enfants âgés entre 7 et 17 ans de rester chez soi sans aller à l’ecole/college/lycée. Il n’est pas possible de prévoir les jours où l’aktirovka sera annoncée. Donc souvent les enfants restent chez eux tous seuls sans les adultes. Les devoirs sont envoyés par les professeurs par sms sur les téléphones portables. Les jours d’aktirovka peuvent durer parfois une semaine.
Malgré ces omissions fréquentes de leçons dans l’établissement scolaire, le niveau de l’éducation à Norilsk est bon par rapport au niveau national de la Russie.
Le manque de verdure en hiver qui dure 9 mois, et des espaces verts pendant l’été, pousse les gens à organiser des coins verts dans leur appartement et à recréer un microclimat de la nature qui s’oppose à la sévérité de l’hiver et offre une évasion visuelle.
La Nuit polaire a une influence importante sur la vie des gens. Généralement, les habitants disent être habitués à une vie sans lumière du soleil. Cependant, différentes recherches montrent que le corps humain ne peut réellement s’adapter à ces conditions extrêmes. Les chercheurs ont qualifié l’influence de la nuit polaire sur le corps humain par le ‘syndrome de la nuit polaire’.
En effet, le corps humain sécrète, lors de son exposition au jour, une hormone : la mélatonine. Cette sécrétion dépend de l’alternance jour/nuit, et participe à la régulation de plusieurs processus de l’organisme. Pendant les nuits et jours polaires, la production de cette hormone est modifiée. Les études montrent ainsi un taux de mélatonine très bas chez les populations du Grand Nord.
Ce manque de mélatonine implique un vieillissement précoce de l’organisme et favorise le développement de cancers. Un autre effet remarquable est l’absence de phase de sommeil profond, entraînant l’épuisement du système nerveux, un état d’irritation, une fatigue permanente et un inconfort psychologique, voire de dépression.
Dans la plupart des cas, lorsque l’horloge biologique est perturbée, la meilleure façon de « remettre la pendule à l’heure » consiste à s’exposer à une lumière.
La production des hormones du corps humain reprend ainsi un cycle régulier et le corps retrouve son équilibre.
La plupart des appartements de Norilsk sont équipés avec des lampes à UV et reproduisant la lumière naturelle.
Les hivers à Norilsk sont longs et froids, avec une température moyenne d’environ -31 ° C en janvier. Il en résulte de nombreux jours de gel, couplés avec des vents forts et violents. La période de froid s’étend sur environ 280 jours par an, avec plus de 130 jours avec des tempêtes de neige. Il est à noter que les températures réelles sont encore plus froides, en prenant en compte l’effet du vent. Par exemple, pour une température inférieure à -40°C, un vent de 1m/s fait ressentir -42°C.
La couverture neigeuse persiste dans Norilsk entre 7,5 à 9 mois de l’année.
Pendant l’hiver le territoire de Grand Norilsk est couvert d’environ 2 millions de tonnes de neige, soit 10 tonnes par habitant.
En mars la neige s’accumule au bord des rues parfois transformées en tunnels.
Pendant la période d’été, l’air est plus pollué qu’à la normale. La différence de température entre les différentes couches de l’atmosphère empêche l’évacuation des fumées du combinat, et un smog nauséabond envahit les rues de Norilsk.
La pollution de la ville est aggravée par la situation des combinats métallurgiques en périphérie de la ville, les usines se faisant face les unes les autres. Suivant la direction du vent, la fumée de l’une ou l’autre usine envahit la ville.
Norilsk se situe sur le plateau de Sibérie occidentale et au pied des montagnes de Putoran, culminant à 1700 mètres d’altitude. Norilsk possède les plus importants gisements de nickel, de cuivre et de palladium dans le monde. Ce dépôt a été formé il y a environ 250 millions d’années lors de la formation de la Sibérie.
Aujourd’hui, l’entreprise de Norisk « Norilsk Nickel » est devenu le premier producteur mondial de palladium, minerais représentant 40% de la production du combinat. Avec 36% de la production mondiale, Norilsk se retrouve aussi au premier plan de la production de platine. Ces production assure près de 2% du PIB russe : janvier 2001, le palladium se négociait à plus de 1 000 dollars de l’once et à 480 dollars l’once en avril 2008. Le Nickel s’adjuge lui à 25 000 dollar la tonne.
En 2007, Norilsk Nickel, qui contribue à 90% du budget de la ville, a produit :
– plus de 300 000 tonnes de nickel (96% de la production russe et 30% de production mondiale),
– 419 000 tonnes de cuivre (55% de la production russe)
– 93 tonnes de palladium (35% de la production mondiale)
– 22 tonnes de platine (36% de la production mondiale)
Selon les dernières estimations, les réserves du sous-sol de Norilsk permettraient de soutenir une production de ce niveau pour les 50 années à venir.
Sur la photo – la mine ouverte « Medvejii Ruchei ».
Malgré le climat rude, la température qui descend jusqu’au -50° et les tempêtes de neige, ces mines ouvertes fonctionnent 24 heures/24 toute au long de l’année.
Le « Grand Norilsk » est un ensemble de trois villes Norilsk, Talnakh et Kayerkan qui se situent dans dans un rayon de 30 km et sont reliées par les routes terrestres.
D’après les données du recensement réalisé en Russie en 2010, la population de l’agglomération de Norilsk était de 175 300 habitants avec 105 800 habitants pour la seule ville de Norilsk. Les autres villes de l’agglomération sont Kayerkan (22 334 habitants), Talnakh (47175 habitants), et Snezhnogorsk (888 habitants).
Déjà il y a 6 000 ans, les riches sous-sols de la région de Norilsk ont attiré les hommes, dont les traces de passage ont été relevées par des archéologues.
Mais la réelle histoire de Norilsk commence au début du 20eme siècle, lorsque l’expédition du géologue Urvantsev mettra à jour les riches gisements de nickel, cuivre et cobalt.
En 1936, l’URSS débute la construction du complexe métallurgique et de la ville. Ce travail difficile dans un environnement polaire est confié aux prisonniers du Goulag, travaillant dans des conditions inhumaines.
Les mines, les usines de Nickel et de cuivre et une grande partie de la ville moderne ont été construites par les prisonniers. Pendant plus de 20 ans, 600 000 prisonniers – dont plusieurs milliers ont perdu la vie – auront travaillé à Norilsk, pour sa construction et son exploitation.
Sur la photo – les ruines de la maison de la culture dans la cité « Medvejii Ruchei ». Cette cité était la première colonie de Norilsk, construite sur une partie du Goulag en 1956 juste à côté de la mine ouverte de « Medvejii ruchei ».
Dans les années 90 elle fut fermée à cause des difficultés d’entretien et de la complexité de l’infrastructure. Ses habitants ont été déplacés dans de nouveaux quartiers d Norilsk.
Avec une population de 175 300 habitants, Norilsk est une des plus grandes villes au-dessus du cercle polaire. La Ville-Usine de Norilsk n’a ainsi qu’une raison d’être : abriter le combinat industriel et minier de Norilsk Nickel, le plus grand complexe sidérurgique, métallurgique et de fonderie au monde. Ce complexe, à lui seul, représente près de 2% du PIB russe.
Perdue au milieu de la toundra à 400km au nord du cercle polaire, Norilsk n’a pas de liaisons terrestres avec le reste du monde. Cependant, les voies fluviales, maritimes et aériennes permettent à la vie d’être rattachée au reste de la Russie : ‘le continent’.
Norilsk est reliée par la route et le train à la ville portuaire de Doudinka, un peu plus au nord. Doudinka ouvre ensuite sur les routes maritimes de Mourmousk et Arkhangelsk, permettant un contact avec la civilisation.
De plus, en été, de juin à septembre, le fleuve Ienisseï est navigable et permet de relier en bateau Norilsk à Krasnoïarsk, plus au sud. Au temps de Staline, la route périlleuse menant au Goulag de Norilsk était surnommée la route de la mort, tant le voyage pour atteindre la ville du nord était difficile.
La période de jours polaires s’accompagne de beau temps et de températures agréables. Les habitants de Norilsk profitent au maximum de cette possibilité de vivre en extérieur, se promenant jusqu’au milieu de la nuit.
La température en été peut augmenter jusqu’à 25°, même 30° pendant les années trop chaudes.
Une de particularités de Norilsk est l’absence d’espaces verts dans la ville pour l’évasion. Il faut faire 30 km en bus et marcher à pied pour approcher la vraie nature. Le manque de temps pousse les gens à profiter du soleil et de la chaleur dans la zone urbaine.
Norilsk est confrontée, malgré sa prospérité, à de gros problèmes d’entretien de son parc immobilier. La majeure partie des habitations de Norilsk a été construite sur pilotis. Le dégel du permafrost rend instables les fondations des édifices, les murs de soutiens se fissurent et les bâtiments sont progressivement abandonnés, inhabitables.
Aujourd’hui, le principal problème de la ville est le dégel des couches supérieures du pergélisol, ce sol gelé en permanence, sous l’effet de nombreux facteurs :
– élévation de la température globale de la région de Norilsk.
– influence du milieu urbain.
– Pendant de nombreuses années, principalement à la suite de l’effondrement de l’URSS, les canalisations souterraines n’ont plus été entretenues et de nombreuses fuites d’eau chaude sont apparues.
– rejets des substances polluantes dans l’atmosphère.
– concentration importante de sel dans le sol, suite au déneigement abondant de la ville.
Vers 3 heures du matin, la ville dort, éclairée par le soleil. La ville apparaît alors comme une ville fantôme, vidée de ses habitants, bien que le jour soit toujours là.